Littérature

Samuel Beckett


« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent »

Écrivain irlandais d’expression française, Samuel Beckett est né le 13 avril 1906 : l'événement fut signalé en date du 16 avril dans la rubrique mondaine d'un journal irlandais (The Irish Times). Fils d’une famille protestante aisée, il passe sa jeunesse à Dublin. Beckett est d'abord élève à la Earlsford House School, dans le centre de la ville, avant d'entrer à la Portora Royal School d'Enniskillen, dans le comté de Fermanagh - lycée qui avait auparavant été fréquenté par Oscar Wilde.

Beckett étudie ensuite le français, l'italien et l'anglais au Trinity College de Dublin, entre 1923 et 1927. Il suit notamment les cours de A.A. Luce, professeur de philosophie et spécialiste de Berkeley. Il obtient son Bachelor of Arts et, après avoir enseigné quelque temps au Campbell College de Belfast, est nommé au poste de lecteur d'anglais à l'École normale supérieure de Paris. C'est là qu'il est présenté à James Joyce par le poète Thomas MacGreevy, un de ses plus proches amis, qui y travaillait aussi. Cette rencontre devait avoir une profonde influence sur Beckett, qui aida notamment James Joyce dans ses recherches pendant la rédaction de Finnegans Wake.

Après la mort de son père, il écrit son premier roman, « Murphy ». Pendant la guerre, il s’engage dans la résistance et rejoint le Vaucluse où il écrit son 2e roman, « Watt », et invente la figure du « clochard » que l’on retrouve constamment dans ses différentes œuvres.

En 1930, il revient au Trinity College en tant que lecteur et écrit, en 1931, un deuxième essai en anglais intitulé Proust. Un an plus tard, il traduit pour la revue "This Quarter" un poème d'André Breton, Le Grand secours meurtrier, paru en France dans le recueil Le Revolver à cheveux blanc et ayant pour thèmes les convulsionnaires de Saint-Médard et Lautréamont. Il se lasse assez vite de la vie universitaire, et exprime ses désillusions d'une manière originale : il mystifie la Modern Language Society de Dublin en y portant un article érudit au sujet d'un auteur toulousain nommé Jean du Chas, fondateur d'un mouvement littéraire appelé concentrisme ; ni du Chas ni le concentrisme n'ont jamais existé, sinon dans l'imagination de Beckett, mais il s’en sert pour se moquer du pédantisme littéraire. Pour marquer ce tournant important de sa vie, inspiré par la lecture des Années d'apprentissage de Wilhelm Meister de Goethe, il écrit le poème Gnome, que publie le Dublin Magazine en 1934.

S’il écrit en français, c’est pour limiter l’usage de la langue. Son œuvre, austère comme un monologue intérieur, exprime l’impossibilité de vivre en sachant la finitude de l’existence. Les grands thèmes de son œuvre, l’aliénation, le désespoir et la futilité de la vie, sont magnifiquement traités dans « En attendant Godot ». On se souvient de cette fameuse phrase : « Voilà l’homme tout entier s’en prenant à sa chaussure alors que c’est son pied le coupable ».

Le prix Nobel de littérature lui est attribué en 1969 : il considère cette reconnaissance comme une « catastrophe » ! En fait, il rejette par là une certaine industrie beckettienne, au sens où cette récompense accroît considérablement l'intérêt de la recherche universitaire pour son œuvre. D'autres écrivains s'intéressent à lui et un flot constant de romanciers, dramaturges, de critiques littéraires et de professeurs passent par Paris pour le rencontrer. Son désarroi de recevoir le prix Nobel s'explique aussi par son dégoût des mondanités et des devoirs qui y sont liés ; son éditeur Jérôme Lindon ira tout de même chercher le prix en son nom.